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À la lecture de la littérature khmère, on s’aperçoit que le vocabulaire des organes de la génération en cambodgien est d’une diversité délectable. Je me propose de présenter dans le présent billet la terminologie entrant dans le champ lexical de l’anatomie masculine rencontrée au cours de mes lectures ou entendue lors de conversations. Je complète aussi ce billet avec les notes personnelles de Christophe Macquet, traducteur éminent, qui m’a fourni une liste des plus intéressantes du « vocabulaire khmer du cul » (sic). J’en profite ici pour le remercier de son aide précieuse et de sa générosité.
Si vous vous êtes jamais intéressé aux temples khmers, vous avez sans doute rencontré le mot « linga », ou « lingam », qui est, « dans l’hindouisme, symbole phallique du dieu Shiva », dixit Larousse. En khmer, le mot est orthographié លិង្គ et prononcé [ling]. C’est un mot neutre, considéré comme élégant et littéraire. C’est ce mot que je vois utilisé dans les (rares) publicités en khmer sur Internet qui vantent les vertus roboratives de tel ou tel onguent ou ustensile destiné à redonner sa vigueur à un dard défaillant. Un autre mot politiquement correct est le mot ភេទ, prononcé [phét] (attention, ici « ph » transcrit le son [p] aspiré, et non le son [f]), qui signifie « sexe » en général, et qui désigne parfois l’outil procréateur de l’homme. Je lis également dans un article décrivant certains rites religieux en relation avec la fécondité le mot ប្រដាប់ភេទប្រុស [prâdab pét broh] (littéralement « appareil sexuel masculin) pour désigner l’appareil génital masculin (et ប្រដាប់ភេទស្រី [prâdab pét srey] pour le féminin). Il est question parfois d’appareil tout court : ប្រដាប់ [prâdap].
Le mot le plus populaire, et considéré au mieux comme familier, le plus couvent comme vulgaire, utilisé pour parler du « petit chose » cher à Pierre Perret est le mot ក្ដ, prononcé [kdâ]. C’est aussi un mot de prédilection dans de nombreuses contrepèteries en khmer. Quant aux deux orphelines qui l’accompagnent, elles sont appelées « œufs de dard » : ពងក្ដ [pong kdâ]. Lorsque le contexte permet d’éviter toute ambiguïté, on se contente souvent d’utiliser le mot « œuf » seul, sans déterminant : ពង [pong]. Dans leur Dictionnaire Français-Khmer, à l’entrée « couille », Michel Rethy Antelme et Hélène Suppya-Bru Nut signalent encore le mot ពងប្លោក [pong plaok], ប្លោក [plaok] signifiant « bourse » ou « scrotum ». À l’entrée « testicule », les deux lexicologues citent encore d’autres mots considérés comme polis : ពងល្វា [pong lvie] (œuf (en forme de) figue), ពងស្វាស [ping svah] (ស្វាស [savh] signifie « testicule »), ainsi que le mot relevant d’un niveau de langue soutenu អណ្ឌៈ [ândéa:].
Dans le célébrissime dictionnaire de référence de la langue khmère du vénérable Chuon Nath (1883-1969, patriarche de l’ordre Mahanikaya, connu pour ses efforts pour la conservation de la langue khmère), le synonyme donné pour le mot ក្ដ est គុយ្ហប្រទេស [kuyha: prâtes] (គុយ្ហៈ désigne de façon générique les parties génitales, qu’elles soient masculines ; j’ignore ce que signifie ici le mot ប្រទេស, qui désigne habituellement le pays, la nation).
Dans sa définition, le vénérable donne encore deux autres synonymes courants : កេរ្ដិ៍ខ្មាស [ké khmah], terme qui désigne les organes génitaux aussi bien chez l’homme que chez la femme, et ខ្មាសប្រុស [khmah broh]. Une orthographie simplifiée (fautive ?) est parfois en lieu et place de កេរ្ដិ៍ខ្មាស : កេរខ្មាស. Le mot កេរ្ដិ៍ fait référence à l’honneur, la gloire, et le mot ប្រុស désigne l’homme par opposition à la femme. Quant au mot ខ្មាស, il est couramment utilisé en khmer dans le sens de « pudeur », de « honte » ou de « timidité ». Il peut désigner aussi les organes génitaux de l’homme ou de la femme.
Un mot savant est encore donné par Chuon Nath dans sa définition : គុយ្ហាវយវៈ [kuyhava: yava:], composé de គុយ្ហៈ déjà rencontré ci-dessus et qui signifie « caché », et de អវយវៈ​ [ava: yava:], qui signifie « partie du corps », « membre ».
Dans la définition du mot ខ្មាស donnée sur Wiktionary, je trouve encore le mot អង្គជាត [âng chiet], qui correspond assez à l’expression « organe de la génération » ; pour ce mot, dans son Cambodian-English Dictionary, Robert Kirk Headley renvoie à អង្គកំណើត [âng kâmnaet], construit exactement sur le même modèle (កំណើត signifie « engendrer », « faire naître »). À l’entrée « pénis », Michel Antelme donne encore le mot អង្គជាតប្រុស [âng chiet broh], et signale encore le mot លីន [lin].
Dans la langue populaire, les expressions plus ou moins allusives utilisées pour désigner la chose sont nombreuses. On parle justement de « chose » ou de « machin » : របស់ [râbâh], mot que l’on précède parfois du préfixe de familiarité អា [a], de façon à obtenir អារបស់ [a râbâh]. Le mot gentillet de « petit frère » est également courant, sous diverses formes, également avec le préfixe [a] : អាអូន [a ôn], អាប្អូន [a b’ôn]. Dans le même ordre d’idées, on utilise aussi parfois le mot អាច្រមក់ [a chrâmâk], qui signifie « benjamin » et qui est utilisé comme terme d’adresse affectueux par les parents pour appeler leurs enfants (ច្រមក់ [chrâmâk] signifie « tout petit », « minuscule », « tout jeune »).
Des mots désignant des objets évoquant par leur forme le membre viril sont également utilisés : nous avions par exemple vu ici, dans un billet de février 2017 consacré à deux friandises cambodgiennes interlopes, l’utilisation du nom d’un gâteau de riz glutineux de forme cylindrique enveloppé dans une feuille de bananier, le « nom ânsâm » (នំាន្សម). L’évocation de la banane (ចេក [chék]) est également très fréquente.
Christophe Macquet signale dans le petit lexique qu’il m’a confié la parabole du « gourdin de géant » : ដំបងយក្ស្ [dâmbâng yak], ou encore celle du « naga royal », ou « nâgrâjâ » : នាគរាជ [niek riech]. Il cite encore l’expression « casque de soldat » មួកដែកយោធា [muok daèk yôthie] pour parler de la partie terminale du pénis, dont la forme évoque effectivement celle du casque du G.I. Pour cette partie-là de la verge, on trouve aussi le terme « tête de levier » : ក្បាលត្របែង [kbal trâbaèng]. Certains poussent l’analogie avec l’art de la guerre jusqu’à qualifier leur dard « d’arme » : អាវុធ [avuth]. Enfin, la saucisse សាច់ក្រក [sach krâk] évoque bien entendu par sa forme celle de l’appendice masculin.
Et pour conclure ce billet, il convient de ne pas omettre deux mots utilisés pour désigner la liqueur divine chère à l’auteur de Thérèse Philosophe : ទឹកកាម [teuk kam] (le mot ទឹក [teuk] signifie « eau », mais désigne aussi de façon générique tout ce qui est liquide ; កាម [kam] signifie « désir »), qui est le mot le plus souvent utilisé aujourd’hui pour parler de sperme, ainsi que l’emprunt au français ទឹកស្ពែម [teuk spèm] (ស្ពែម [spèm] est bien sûr la transcription phonétique du mot « sperme »).
Ci-dessous, un ensemble de lingas visible au Musée National à Phnom Penh. La photo vient du blog Nathalie’s Backyard, ici.